A première vue, on ne me donne guère plus de seize ans; j'en ai dix-huit. La première chose qui frappe les gens en me voyant est la couleur bleu ciel de mes yeux, ces derniers se cachent derrière ma frange ou quelques mèches rebelles. Un épi m'empêche d'avoir la raie droite, mes coiffures sont asymétriques, mes cheveux toujours bouclé. Mon nez est petit, rond, remonté - chose qui accentue les traits enfantins de mon visage - et parsemé de tâches de rousseur. Une cicatrice barre ma fine lèvre supérieure l'autre est souvent fendue soit par le froid, soit par mes dents quand j'enlève les petites peaux dessus. C'est à travers ma chevelure crépue et ondulée que l'on distingue mes oreilles. Celles-ci, étrangement, ont les parois collées et se finissent en pointe. Je mesure un mètre soixante et onze pour quelques kilos en trop. Mes joues et mon cou trahissent une certaine rondeur, un sourire me dessine deux creux du bas du nez aux extrémités des lèvres. mes dents sont droites, elles manquent d'éclat, ma deuxième incisive centrale supérieure (la gauche) a perdue quelques petits morceaux suite à un accident et ma quatrième s'est légèrement décalée. J'ai de nombreux grains de beauté partout sur le corps dont trois enlevés. J'ai de petits doigts assez fins dont les ongles sont majoritairement longs avec, dessus, quelques tâches de vitiligo et deux cicatrices suite à une brûlure. J'ai le nombril rentré et un ventre de bébé; de larges hanches tandis que le haut, malgré ma poitrine, est normal. Mes jambes quoique potelées sont musclées et ce, des cuisses aux mollets. J'ai les pieds grec et le gauche porte la cicatrice d'un des grains de beauté enlevé. Mes orteils n'ont pas un centimètre d'ongle, tout est coupé et ce, jusqu'à la mutilation.
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Je passe ma vie à bouger, je ne tiens pas en place et voyage dans les recoins du pays, les profondeurs de mon esprit. Je fuis les gens plutôt que de les supporter, j'aime rester seule et crains la foule. J'aime partager quitte à ne pas assez recevoir. Je demande le plus simple en faisant très compliqué, j'ai du mal à me faire comprendre aussi bien par les autres que par moi-même. J'ai parfois l'impression que rien n'a été acquis chez moi et que je manque de tout et, plus particulièrement, d'assurance, de confiance en moi et d'amour propre. On me prend pour une fille trop étrange ou au caractère bien trempé. Parfois, on me prend simplement pour une gamine incapable de s'adapter à une certaine normalité. Je vis des aventures dont seuls les rêveurs peuvent évaluer la richesse. Je prends plaisir à me donner des leçons de vie pour ponctuer mes histoires, je la prend comme un roman jeunesse sans péripéties trop fictives pour être honnêtes. Je cours souvent après mon ombre, sans savoir si je le veut vraiment, j'aime bien me chercher, craignant de me trouver vraiment. j'aime bien me déguiser mais ne sais pas tenir un rôle autre que le mien qui est tellement multiple qu'il compense. Je suis imprévisible et peux tout envoyer balader sur un simple coup de tête, je me souris souvent devant le miroir mais grimace toujours devant les autres. Je baisse les yeux et n'écoute pas les discussions qui me gonflent et, croyez moi, elles sont nombreuses. Je bavarde pour pas grand chose mais j' ai encore tellement à dire au dedans, je ne demande qu'à me montrer vraiment. Je suis attachiante et on ne m'aime soit pas tout de suite, soit pas du tout, quand quelqu'un en pince aussitôt pour moi, je m'arrange pour que jamais ça ne soit réciproque. Je peux me prendre d'amour pour quelqu'un et de dégoût la seconde suivante. Je suis très sensible aux choses qui m'entourent, je prends parfois du recul sur notre quotidien et je suis consciente que nous ne sommes pas grand chose mais que, pourtant, nous avons beaucoup. J'aimerais beaucoup de choses mais ne fait trop rien pour les acquérir. Je semble vivre dans un autre monde et ce n'est pas entièrement faux, j'ai toujours eu l'impression d'être née dans une galaxie autre que la mienne. Je bégaye quand j'essaye de dire ce que je me répète au dedans. J'ai toujours l'impression d'être regardée et jugée, je me dois de bouger, de faire n'importe quoi au risque de paraître ridicule ou étrange. On me compare souvent à un clown, quelqu'un a ajouté "à la réputation ternie" il y a peu de temps. Je vis constamment dans l'angoisse et le doute, prenant bien soin d'avoir pour seul paysage mes godasses, plus agréables à regarder que la gueule des gens. Assez terre-à-terre tout en étant utopiste avec une certaine dose de paranoïa, je ne compte plus les peurs saugrenues qui me gâchent le quotidien. Je n'ai plus peur des nouvelles rencontres, du temps qui passent, de la distance. La vie est trop courte et je suis trop pressée pour me consoler dans le quotidien.
- « Vous ne vous aimez pas. » Mais comment ça ? Comment est-ce possible ? Vous ne vous aimez pas ? Qui n'aime pas qui ?
- Toi, bien sûr... c'est un vous de politesse, un vous qui ne s'adressait qu'à toi.
- À moi ? Moi seul ? Pas à vous tous qui êtes moi... et nous sommes un si grand nombre... « une personnalité complexe »... comme toutes les autres... Alors qui doit aimer qui dans tout ça ?
- Mais ils te l'ont dit : Tu ne t'aimes pas. Toi... Toi qui t'es montré à eux, toi qui t'es proposé, tu as voulu être de service... tu t'es avancé vers eux... comme si tu n'étais pas seulement une de nos incarnations possibles, une de nos virtualités... tu t'es séparé de nous, tu t'es mis en avant comme notre unique représentant... tu as dit « je »...
Nathalie Sarraute - tu ne t'aimes pas
Je suis une terrorisée chronique. Il n'y a que lorsque je connais le début, le milieu et la fin de l'histoire que je me sens bien. Je ne prends de risque que lorsque je connais la situation à l'avance. La vie ne m'effraie pas que lorsque j'en connais le cheminement. Je ne trouve de liberté que lorsque mes sentiments me sont imposés (....)
Sylvie Testud - le ciel t'aidera
Libre ? Libre, toi ? Tu te trouves libre ? Ta vie brisée, ton travail, c'est ce que tu appelles être libre ? Et tu n'as encore rien vu : tu crois que tu seras libre quand tu passeras des nuits entières à débusquer le criminel en toi ? De quoi seras-tu libre, alors ?
Amélie Nothomb - cosmétique de l'ennemi