Sur les chemins du passé je déterre quelques fois de petites choses, leurs fleurs avaient fanées et j'avais peur, peur d'oublier. Tout comme toi.
Est ce vrai? Me demande-t-on avec cet air qui se veut désinvolte, assez détaché mais qui exige tout de même une réponse. Oui, tout s'efface. Notre amitié ne tient peut-être qu'à un fil et, qui sait, peut-être cassera-t-il un jour. Pour illustrer le propos, je commence à rompre le bout de ficelle qui dépasse de ma veste en laine. Il est probable qu'on m'en empêche, de peur que cela porte malheur. Mes yeux se perdent, quelque part dans le métro des passés. C'est comme un vieux film sur le grand écran derrière ma petite tête. Je la vois, je nous vois animées par mes souvenirs. Je nous revois sur la colline à courir en chaussettes, à faire de la peinture, danser en petite tenue, rire aux larmes. Si vous êtes triste, c'est que ça n'est pas tout à fait effacé; il reste des traces. Hochement de tête. Mais la réciprocité? Ah ça, vous savez, je m'y connais pas trop, c'est vous qu'avez toujours les mots pour ça. Eh bien sachez que ce qui marche d'un côté ne marche pas forcément de l'autre. Il y a la rancœur, la jalousie, le mépris, la tristesse. L'oublie n'existe pas vraiment, dirons nous que les personnes sont doués pour cacher, enfouir certaines choses au plus profond d'eux-même. Ainsi se souviennent-ils des disputes, des larmes, des mauvais coups; mais jamais ils ne repenseront aux instants dits magiques, au bonheur de moments à l'unisson, au partage, à l'entente. Il n'est pas bon de raviver les vieilles cendres d'un grand feu qui s'est bien longtemps éteint. Mais il y a des fois, comme ça, où ça prévient pas.
Mais, me dira-t-on, la vie continue! On perd quelqu'un, on en retrouve dix! Je pose la question: dois je perdre une amitié qui m'est chère pour en trouver dix autres médiocres? Non, assurément. Alors je suis là, tout contre eux en remerciant chaque jour ce quotidien qui nous lie, c'est si fragile mais ça dure. Je sais que tout va s'arrêter, je n'ai pas le pouvoir de les retenir éternellement. Le temps passe, les gens changent, les chemins se séparent. C'est peut-être pas toujours une fatalité. Certes. C'est de nos mains que nous cassons cette heureuse routine, celle de l'entente. Que pourrais je bien leur dire? Eux qui sont là, moi qui pars, lui qui m'affirme qu'il m'oubliera. Je leur ai dis "je vous aimes", je leur ai dis "vous serez perdus sans moi", je leur ai dis "vous changerez" mais j'ai oublié de leur demander... de ne pas m'oublier.
Je n'oublierai jamais.
Admise, à 600 kilomètres.