9 novembre 2016 à 16:52

J'ai voulu t'écrire, Pierre, mais je ne savais pas vraiment quoi te dire.
 

à quoi ça sert de t'envoyer un message maintenant que tu es mort ? Tu ne le liras jamais. Il est d'autant plus difficile d'entreprendre cet exercice épistolaire lorsque, de ton vivant, nous n'étions plus en contact. Rien de perso, je le sais bien. La vie qui a fait que....
On se connaissait peu, on causait bien quand on se croisait à la fac et puis voilà.
On t'avait présenté comme mon potentiel amour dans cette ville où je le cherchais, j'ai pas été d'accord quand je t'ai vu là-bas.
Mais c'est resté dans un coin de ma tête, parce que ça m'avait intrigué, tu étais très aimé tu sais...
Je me souviens du concert de fin d'année où tu as joué avec ton groupe.... Je viens d'aller voir la page officielle, aucune photo de toi.
Où ils ont été te mettre putain????!!! Je suis partie à ta recherche, là tu tu étais, si malheureux, et là où tu reposes, avec comme épreuve de demander aux autres.
Ceux qui n'ont pas eu la présence d'esprit de me dire qu'on ne te reverrai plus jamais.
Je leur en veux pas, je comprends. Y a qu'à moi que j'en veux, putain qu'ils ont du souffrir.
J'ai demandé à la personne que j'ai toujours trouvé la plus gentille, la plus ouverte.
Aucun question indiscrète, juste où tu étais, pour aller te voir. Simplement.
Je voulais y aller, et puis c'était loin avec, au bout, nulle familiarité avec ta famille pour me montrer la route et causer un peu.
Je ne veux rien remuer, j'ai appris bien plus tard, si on peut vraiment dire que j'ai appris quelque chose de ce drame.
Si je pouvais t'écrire sans "je", m'effacer totalement et ne parler que de toi, te dire comme c'est triste et comme on a pu pleurer.
Je voulais juste t'envoyer un "comme tu me manques". C'est débile parce qu'on ne se croisait plus du tout. Je devrais le reformuler autrement, genre "tu manques au monde, à la vie, à ceux qui t'ont un peu connu, même ceux qui ne te croisaient qu'à la fac pour causer un peu, même s'il y avait un tout petit peu de silence entre les longues phrases".
 
Pierre, je peux pas t'expliquer pourquoi, mais je pleure, je suis malheureuse et anéantie par la violence de la nouvelle.
Je ne me complais absolument pas là-dedans, je parle à la psy de tout ça, je tente de comprendre, parce qu'on m'a dit que c'était pas normal de réagir autant.
Est-ce trop de pleurer ? Cela dure-t-il anormalement longtemps face au temps écoulé sans causer ? Y a-t-il une blessure narcissique, comme une symbolique que tu incarnais et qui est morte avec toi ?
Je sais pas Pierre, je ne veux absolument pas mal faire, ni trop en faire. Je pense qu'il n'y a pas de façon type, que chacun ne fait que réagir comme il peut, je ne réagis pas comme je le voudrais. J'aurais aimé garder cet immense chagrin au-dedans, sans rien dire, avoir toujours pleuré en cachette dans ma chambre.
Je pense que tu as laissé énormément de positif dans le coeur des gens, Pierre, ils t'aiment tant putain.
à moi, tu auras laissé une inquiétude, j'ai l'indélicatesse de vouloir me mettre à ta place et de voir le monde violent et sans issue.
J'ai même pensé à mourir, Pierre, et ça non plus je n'aurais jamais voulu le dire à qui que ce soit.
Mais je l'ai fait, en parler, j'entends. J'en ai parlé, j'ai parlé de toi à ceux qui ne te connaissent pas mais me connaissent moi, et m'aiment, ne me jugent pas, ceux qui tentent de comprendre avec moi pourquoi la joie s'est barrée avec toi.
Aucune hypothèse ne me satisfera jamais, car jamais je ne pourrais me satisfaire te concernant. Je ne t'oublierai jamais Pierre, seul me soulage maintenant le fait de t'avoir écrit, sans déranger tes proches qui n'aurait jamais été les miens, même si j'ai plus causé avec eux.
Avec le temps, je ne me sentirai plus coupable de m'être éloignée de vous. Je pense qu'on m'a raconté pas mal de salades pour que je le fasse.
Mais c'est pas important, je serai discrète jusqu'au bout, au bout de mon chemin à moi, qui est à peine visible par tout ce brouillard et ces idées bien noires.

Pierre, y a qu'à toi que je voulais dire tout ça, mais je ne pouvais le faire qu'ici.
Ailleurs, j'aurais pleuré.

 
Par Marie.v le 12 décembre 2016 à 1:10
Tu lui dira, en face. Et on pleurera, sans se complaire. Tu verra comme c'est beau, la mer en face...
 

cueillir un coquelicot









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