19 décembre 2014 à 19:03

Père-Noël,

    Je me suis toujours adressée à toi comme à un Dieu. Je n'ai nulle croix autour du cou ni même dans le coeur. Jusqu'à mes initiales, je suis Athée.
    Petite, je m'inspirais des catalogues de jouets pour me créer des besoins. J'ai eu mes petites frustrations quand mes voeux n'étaient pas exaucés; bien que j'ai eu Rufo puis "Mon vrai bébé", objets que l'enfant que j'étais désirais ardemment.

    On te décrit comme un homme bon qui ouvre ses bras une seule fois par an. Je suis venue au monde quelques heures avant le jour de ton règne sur la terre. J'ai ainsi la chance d'être comblée la veille. J'associe mon anniversaire à la maie de Noël : les Hommes sont euphoriques en partie pour moi, ils dînent abondement et trinquent quand je souffle mes bougies.
    Je partageais mon bonheur avec mon frère et ma soeur au petit matin, nous étions de nouveau sur un socle d'égalité. Je redevenais celle du milieu, à part entière mais qui aurait aimé se faire minuscule une fois à table avec toute la famille. Quand toi tu te reposais de ta longue nuit de labeur, moi, j'encaissais les coups bas qu'on m'avait gardé au chaud 24 petites heures. Mamie me défendait, demandant grâce quand enfin je pleurais.

    Je pensais que tous les Noëls de ma vie seraient les mêmes mais j'ai esquivée le dernier. Je ne voulais plus mastiquer les mêmes bouts de colère gratuite. Je pense que j'avais été bien sage cette année-là, mon mutisme était plus fort que l'acharnement d'en face. Ai-je pourtant eu raison ?
    Si tu m'avais dis que Pépé allait mourir trois semaines plus tard, je serais venu profiter de sa présence une dernière fois. Papa a trouvé l'alcool mauvais et préférait pleurer dans sa chambre tout seul. Peut-être que j'ai eu tort.
    Je ne me souviens plus de mes cadeaux, mais de ce que j'ai perdu et j'avais perdu l'amour. Je t'ai demandé de me le rendre mais tu l'as laissé à quelqu'un d'autre. J'ignorais que le Père-Noël pouvait être aussi injuste parfois.

    J'ai passé une excellente journée dans la famille de ma meilleure amie. J'ai ri. J'avais trop pleuré depuis des mois, plus d'un an. Je me suis dis que l'année d'après allait être meilleure. J'aurais du te demander ça, si j'avais su...
    Quelques jours plus tard, je suis partie en Dordogne auprès de mon amie Marion. J'ignore si c'est ton oeuvre, mais je t'en remercie. J'ai pu offrir à sa maman son cadeau. Elle en avait un pour moi également. Des coquelicots pour moi, un chat pour elle. Nous étions attachées à ces motifs, nourrissant la collection de l'autre. J'ai rencontré son papa, le grand-père de Marion. Il me tint en estime et m'offrit deux présents. L'un d'eux est près de moi, je garde cette pièce comme un trésor. Je pensais le revoir et lui rendre le geste. Si j'avais su... Oh si j'avais su.

    Petite, je te confondais réellement avec Dieu. Tu as des pouvoirs, peux tu nous offrir plus que des objets ?
    Père-Noël, j'aurais du te demander qu'elle vive. Elle me manque chaque jour qui passe, je donnerais mon Rufo et tous mes Noëls pour gommer ma semaine avec elle. Je n'ai pas de regrets mais des remords. Quand Marion m'a appelé au début du mois dernier pour me dire que c'était fini, j'avais acheté son cadeau la semaine d'avant. Pourquoi ne m'as-tu pas laissé le lui donner ailleurs que dans son cercueil ? Je peux digérer l'humiliation annuelle chez Mamie, l'amour dans les bras d'une pute mais jamais je ne te pardonnerai la mort de ma seconde maman. Où seront la beauté et la magie cette année quand tu m'arraches le coeur tout entier ?

    Si tu considères que malgré ma rancoeur envers toi, j'ai été sage, je ne veux qu'une chose pour Noël : laisse les gens que j'aime vivre.
 



 
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cueillir un coquelicot









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